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par Candide, pour le bonheur de nos zygomatiques

Des vents? Quels vents?


Je me trouvai pour quelques jours chez un parent, sur les rives méditerranéennes, disons entre Rhône et Espagne.
Le ciel, que lon dit toujours clément par là, faisait des caprices en ma présence, alors qu'il parait quà la même heure, il darde sur ma campagne de l'Est.
L'atmosphère était trouble, des nuages voilaient les altitudes, l'air était moite.
«C'est le marin» disaient les gens de là!
«Le marin, quel marin?»
«Le vent qui vient de la mer, c'est le marin»
Réflexion faite sur le moment, si la France serait toute seule, sans voisins ni mers, ce serait le pays où il fait le plus beau temps du monde!
Et pour causes! Les anti-cyclones nous viennent toujours d'Espagne ou des Açores! Les dépressions, de la Mer du Nord ou des Iles Britannique sans oublier l'Atlantique ou la Baltique, les vagues de froid des pays de l'Est en passant par le Benelux quand ce n'est par l'Autriche ou l'Allemagne, les tempêtes de neige de la Suisse ou du Nord de l'Italie. Quand aux vagues de chaleur, elles nous arrivent toujours par la Méditerranée en provenance des pays d'Afrique du Nord.
Mais laissez-nous tranquille une fois seulement!!
Une fois seulement est une expression typiquement Alsacienne et j'adore cette région et les gens qui la compose, pour y avoir vécu 18 ans, à l'abri du vent entre Vosges et Forêt Noire.
Le «marin» est donc responsable de ce climat inhabituel, et l'on entend dire «il fait marin», comme d'autres fois «il fait mistral».
Le mistral, lui, arrive du Nord, du Nord-Est, il dévale le couloir du Rhône, il passe sur les montagnes, il est frais et sec, il courbe les arbres et chasse les vapeurs qui se dissipent sur une mer toute bleue.
Lorsqu'il est violent, soutenu, costaud, il est anobli et devient «le magistral», pour les autochtones.
En hiver il peut être très froid!
La tramontane, elle, arrive de l'Ouest. Elle a caressé la Montagne Noire, elle est froide aussi.
C'est un vent inconnu dans nos régions Champenoise ou Lorraine, et c'est aussi bien car il est parait-il redoutable!

Le «grec» l'appelle-t-on sur les bords de la Méditerranée!
Cest un souffle de tempêtes, de tornades, craint tout autant sur le plancher des vaches qu'en mer. Il a soufflé sur la Provence avant d'arriver en Languedoc, il amène généralement la pluie.
Le vent du Sud-est est le solaire, tout comme chez moi; il semble celui-là avoir une appellation universelle.
Des vents dont on ne parle plus, mais qui dans les temps anciens et jusqu'à La Fontaine (Le chêne et le roseau) ont nourri la littérature et la poésie, portaient les noms terribles ou suaves d'Aquilon ou Zéphyr.
Mots qui ont pratiquement disparus de notre langue.
Dans ce Languedoc où je me trouvais, ayant entendu parler «d'entrées maritimes», je me suis d'abord demandé s'il s'agissait de bateaux accostant, car il s'en engage pas mal dans le port de Sète, bâtiments immenses qui font parfois le tour du monde, ou simples chalutiers, voir des barques heureuses après une tempête de retrouver le rivage.
Eh bien non! Les entrées maritimes, que l'on nomme également «brumes de mer», sont des brouillards arrivant du large (tiens celui-là je l'avais oublié!) mais qui n'osent s'aventurer loin à l'intérieur.
Ah! Rose des vents! De retour chez moi, à propos des caresses ou des rigueurs qui viennent sur le pays, j'ai retrouvé le «droit vent», la «bise», le vent d'ici ou de là, selon l'origine des bruits que l'on entend, trains, péniches, cris d'animaux ou des odeurs qu'il porte, le chou pourri pour les relents de la mine, l'épandage du fumier par le paysan ou la dernière coulée du haut-fourneau, et même le «pissou», ce souffle du Sud-ouest qui promet et apporte des pluies à n'en plus finir.
Il y a là, dans ces noms divers et pour les seuls vents, un pittoresque où l'on se sent avec bonheur, loin de la morose et insipide uniformité.
Et comme disait Confucius ou un autre pour ne citer qu'eux: Mieux vaut sentir le vent qui souffle dans la rue du quai que celui qui émane de la raie du cul!


Candide (aidé par de larges extraits de Terroir de Jean Robinet)